◊ Pourquoi est-il important de parler du bore-out ?

 

femme qui s'ennuie bore-out

Parce que la souffrance au travail augmente chaque année. En cause, une société de la performance, du résultat et l’afflux des nouvelles technologies.  Le syndrome de  souffrance au travail le plus connu est le burn-out (épuisement professionnel) mais il y a aussi le bore-out (épuisement professionnel par l’ennui)  et le brown-out (perte de motivation au travail due à l’absurdité des tâches confiées par l’employeur).

Ces syndromes ne font actuellement pas l’objet d’un diagnostic officiel dans la classification de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Ils ne sont pas définis clairement comme des maladies et donc ne sont pas reconnus non plus comme maladie dans la vie professionnelle.

Il est nécessaire de sensibiliser les travailleurs à l’existence de ces syndromes car il reste compliqué de chiffrer le nombre de personnes qui en souffrent. Selon Technologia : un cabinet de prévention des risques psychologiques et sociaux, 3 millions de personnes souffrent de ces syndromes.

Les termes de « risques psychosociaux » recouvrent une diversité de maux comme le stress, la souffrance au travail, le harcèlement moral ou sexuel, qui ont un impact sur la santé mentale et/ou l’intégrité physique des salariés, entrainant un mal être pouvant aller jusqu’au suicide.

Chiffrer le bore-out est particulièrement difficile car ce sujet est tabou. En effet, peu de gens veulent s’exprimer sur ce qu’ils ressentent au travail alors que la souffrance est réelle. Des salariés témoignent du fait qu’ils ne peuvent pas se “plaindre” de s’ennuyer au travail ou d’être payé à ne rien faire.  L’entourage ne comprendrait pas et cela pourrait être perçu de façon négative surtout en forte période de chômage. A la souffrance morale (honte, culpabilité, sentiment d’inutilité..) s’ajoute la difficulté de ne pas pouvoir l’exprimer ouvertement.

◊ Qu’est ce que le bore-out ?

Nous connaissions le Burn-out également désigné par le syndrome d’épuisement professionnel, mais peut-être un peu moins le bore-out.

Pour rappel, le Burn out combine une fatigue profonde, un désinvestissement de l’activité professionnelle, et un sentiment d’échec et d’incompétence dans le travail. Le syndrome d’épuisement professionnel est considéré comme le résultat d’un stress professionnel chronique (par exemple, lié à une surcharge de travail) : “l’individu, ne parvenant pas à faire face aux exigences adaptatives de son environnement professionnel, voit son énergie, sa motivation et son estime de soi décliner”. En 1969, Harold. B Bradley est la première personne à désigner, sous le terme de burnout “un stress particulier lié au travail” .

 

Le terme bore-out est inspiré du mot boring (ennuyeux en anglais). Si les causes sont différentes du burn-out, un ennui prolongé au travail provoque une souffrance comparable. « Il provoque un sentiment d’inutilité. Une attaque de l’estime de soi qui peut se transformer assez vite en questionnement de son rôle dans la société », explique Philippe Zawieja, chercheur associé à Mines ParisTech et spécialiste des risques psychosociaux.

« Aujourd’hui, les gens veulent que l’emploi soit source d’épanouissement. Nous éduquons nos enfants comme cela, nous leur faisons faire de longues études. Mais lorsque ces derniers arrivent sur le marché de l’emploi, c’est la grosse désillusion. Résultat : il y a encore plus de souffrance due à l’ennui »,
explique Christian Bourion, professeur à ICN Business School Nancy-Metz et auteur de Le Bore-out syndrom. Quand l’ennui au travail rend fou (Albin Michel).

 

« Etre en bore-out, c’est être à bout, par manque de travail, de motivation ou de défis professionnels », écrit le docteur François Baumann dans Le Bore-out. Quand l’ennui au travail rend malade (Josette Lyon, 2016).

♦ Comment se déclenche le syndrome du bore-out ?

Le bore-out est un syndrome déclenché par le manque de travail, l’ennui et, par conséquent, l’absence de satisfaction dans le cadre professionnel. Il affecterait couramment les individus travaillant en entreprise, les travailleurs du secteur tertiaire et la fonction publique.

Cet absence de satisfaction proviendrait du fait que  :

  • les activités intéressantes ont été supprimées à certains salariés,
  •  le travailleur est surqualifié pour les missions qui lui sont confiées.
  • le travail lui-même est dépourvu d’intérêt.
  • la mise au placard aussi peut être le point de départ d’un bore-out.

Cette théorie a été présentée dans Diagnosis Boreout, un livre écrit par deux consultants d’affaires suisses, Peter Werder et Philippe Rothlin.

Le syndrome d’épuisement professionnel par l’ennui se caractérise par trois éléments :

  • l’ennui,
  • l’absence de défis
  • et le désintérêt.

Les auteurs s’opposent à l’opinion commune selon laquelle l’employé démotivé serait paresseux ; ils affirment au contraire que l’employé a perdu tout intérêt pour ses tâches : les personnes souffrant de bore-out sont « insatisfaites de leur situation professionnelle ».

 

♦Les symptômes et conséquences du bore-out 

Les premiers symptômes de l’ennui au travail sont la démotivation, l’anxiété et la tristesse. Sur le long terme, va s’installer le bore-out engendrant un fort sentiment de dévalorisation de soi, qui peut se transformer en une dépression. Les conséquences du bore-out pour les employés sont nombreuses aussi bien sur le plan psychologique que sur plan physique et plus ou moins grave.

⇒Sur le plan psychologique : 

L’ennui, l’insatisfaction et la frustration permanente entraînent peu à peu la victime de bore-out dans un cercle vicieux. Celle-ci perd peu à peu la volonté d’agir au niveau professionnel et ainsi qu’au niveau personnel.

À la perte d’estime de soi s’ajoute l’angoisse permanente d’être découvert. La victime de bore-out vit avec la peur constante que son supérieur hiérarchique, ses collègues et même ses amis ne découvre son inactivité et sa duplicité.

Un état de tristesse constant s’empare de l’employé provocant des crises de larmes sans raisons particulières. Étant confrontée en permanence au vide de sa vie professionnelle et à son inutilité dans la société, le salarié est en grande souffrance. Souffrance d’autant plus accentuée qu’elle ne peut être partagée et si elle l’est, n’est pas comprise. Ceci peut engendrer des troubles psychiques graves tels que la destruction de la personnalité voire la dépression ou le suicide.

⇒Sur le plan physique :

Le bore-out est également déclencheur de maladies physiques telles que :

  • certains types d’épilepsie générées par le stress ou l’épuisement,
  • troubles du sommeil graves,
  • tremblements des mains et de la voix,
  • zona, ulcères.

Selon l’étude anglaise « Bored to death »menée par les deux chercheurs Annie Britton et Martin J. Shipley :

  • les salariés qui s’ennuient au travail présentent deux à trois fois plus de risques d’être victimes d’accidents cardiovasculaires que ceux dont l’emploi est stimulant,
  • L’angoisse permanente dans laquelle vit le salarié l’épuise physiquement,
  • La fatigue est constante malgré l’inactivité physique,
  • La victime de bore out peut comme pour le burnout développer des troubles du sommeil,
  • Le bore-out peut engendrer des troubles de l’alimentation tels que le grignotage intempestif ou la perte d’appétit,
  • Certaines personnes peuvent avoir recours à l’alcool ou à la drogue pour palier leur mal-être et ainsi développer une dépendance nocive,

 

◊ Les stratégies de Bore-out dans le cadre professionnel : 

Les symptômes du bore-out peuvent amener les employés à adopter des stratégies, telle qu’une apparence de stress et d’activité, afin de masquer adroitement leur évitement de tout travail ennuyeux supplémentaire. « L’objectif de l’employé atteint de bore out est de paraître occupé, de ne pas se voir confier par son supérieur quelque nouveau travail que ce soit, et, bien sûr, de ne pas perdre son emploi. »

Parmi les stratégies de bore-out, on trouve :

♦la stratégie de l’étirement des tâches,

Cette stratégie consiste à les faire durer beaucoup plus de temps que nécessaire. Par exemple, si on demande de fournir un rapport dans un délai d’une semaine, un employé peut rédiger ce rapport en 3 jours et disposer du reste du temps comme il le souhaite sur des tâches personnelles. Un autre peut fragmenter cette tâche sur l’ensemble de la semaine en se ménageant de longues pauses.

♦la stratégie du pseudo-investissement,

Cette stratégie consiste à simuler l’engagement professionnel en étant présent et assis à son bureau, parfois après les horaires de travail. Ainsi, des employés démotivés peuvent  donner l’impression qu’ils travaillent en continu dans la journée, alors qu’ils font tout autre chose.

Le paradoxe du bore-out est que, malgré l’insatisfaction liée au travail, les employés se sentent parfois incapables de demander des tâches plus stimulantes, de soulever le problème avec leurs supérieurs, ni même de chercher un nouveau travail. Le bore-out est analogue au comportement passif-agressif en ceci que le sujet atteint oppose une attitude passive à sa situation problématique.

Werder et Rothlin proposent cependant des solutions :

  • l’analyse de la situation professionnelle, s’interroger sur ce qu’on veut faire et le formuler avec un bilan de compétence ou un projet de vie (en PNL)  par exemple,
  • la recherche d’une solution au sein de l’entreprise, demander plus de travail,  vérifier les mobilités au sein de l’entreprise et regarder les opportunités de formation pour évoluer,
  • et, en dernier lieu, la recherche d’un autre emploi.
Entretien bore-out
Entretien – Rawpixel Unsplash

 

Aujourd’hui, le bore-out commence à être bien plus connu notamment grâce à des cas comme celui de Frédéric Desnard. Voici son histoire.

En mars 2014, Frédéric Desnard,  est au volant de sa voiture lorsqu’il fait une crise d’épilepsie, provoquant un accident. Aujourd’hui, il en est persuadé : « J’ai fait un bore-out à cause de mes conditions de travail. » Il poursuit son ex-employeur aux prud’hommes.

Frédéric Desnard travaillait dans une grande entreprise du luxe. Après la perte d’un gros client, sa société ne lui confie plus aucune tâche. Pendant des mois, il souffre de bore-out, d’ennui au travail. Cette mise à l’écart professionnelle lui est vite devenue insupportable et a créé chez lui un sentiment d’inutilité. L’ennui au travail, c’est absolument terrible. Puisque d’abord vos collègues vous fuient. Vous, vous fuyez vos collègues, vous n’allez plus déjeuner avec eux, tout simplement parce que vous n’avez plus rien à leur dire. Vous vous détruisez psychologiquement, totalement, témoigne-t-il.

Sa santé se dégrade et il obtient six mois d’arrêt maladie durant lesquels son employeur le licencie. Les médecins ont pu établir une relation entre sa maladie et la situation d’ennui au travail. En 2015, avec son avocat, il porte plainte pour licenciement abusif. Son ex-employeur vient d’être condamné. Il est le 1er salarié à faire condamner son ancien employeur pour “ennui au travail”.
Il n’est aujourd’hui plus en capacité de travailler. 

Vous pouvez prendre connaissance de son histoire en regardant la vidéo ci-dessous :

 

Conclusion :

Alors que le 1er février 2018, l’Assemblée Nationale rejette la proposition de loi visant à inscrire le burn-out comme maladie professionnelle, les professionnels de santé se mobilisent pour mieux faire connaître cet autre syndrome qu’est le bore-out. D’ou l’intérêt d’en parler encore et encore.

Il est néanmoins possible de faire reconnaitre sa pathologie psychique “relevant de l’épuisement professionnel” comme maladie professionnelle. Cependant ces pathologies (la dépression, l’anxiété généralisée, le stress post-traumatique etc.) étant des maladies hors tableau, certaines conditions doivent être réunies pour que l’Assurance Maladie reconnaisse l’origine professionnelle de la pathologie.  Il est dommage de constater que cette démarche est un vrai parcours du combattant pour les victimes car cela concerne “seuls 200 à 300 cas” par an.

Derrière tout cela,  il y a évidemment un enjeu financier important en terme de prise en charge.  Le coût social du stress professionnel est estimé entre 2 et 3 milliards d’euros ce qui est considérable et cela inclut les dépenses dues à l’absentéisme,  aux cessations d’activité et aux décès prématurés. Jusqu’ici c’est l’assurance maladie donc la collectivité qui paye.

Dans le cas du burn out, s’il était reconnu comme maladie professionnelle ce serait aux entreprises de mettre la main à la poche peut-être que si les entreprises avaient à payer elle serait aussi plus impliqués dans la prévention des risques de burn-out.

 

Merci d’avoir lu cet article. 

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Référence :

Bibliographie

  • Christian Bourion et Stéphane Trebucq, « Le bore-out-syndrom », Revue internationale de psychosociologie 2011/41 (Vol. XVII)
  • Annie Britton et Martin J Shipley, « Bored to death? », International Journal of Epidemiology (2010) 39 (2): 370-371. En 2010, les deux chercheurs Britton et Shipley publient »Bored to death », une étude dans laquelle ils constatent que les salariés affirmant s’ennuyer ont statistiquement 2,5 fois plus d’accidents cardiovasculaires que ceux qui ne s’ennuient pas.
  • Olivier Berneout, Burn-out, bore-out et RPS : Sortir de l’enfer au travail, 2015, (ISBN 1517685257)
  • Christian Bourion, “LE BORE-OUT SYNDROM (Quand l’ennui au travail rend fou)”, Éditions Albin MICHEL, 2016, (ISBN 978-2-226-32011-7)
  • François Baumann, “LE BORE-OUT SYNDROM (Quand l’ennui au travail rend malade) Josette Lyon, (ISBN 978-2-84319-365-1)
  • Wikipédia

→Lien externe

 

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